Quand j’ai annoncé à ma famille que je rentrais à Casablanca après 5 ans d’absence, leur première question n’était pas “ Pourquoi ?” mais “où ?”. Et pour cause : la ville que j’ai quittée en 2020 n’a plus grand-chose à voir avec la métropole tentaculaire d’aujourd’hui.

Je me souviens de mon premier week-end de prospection immobilière, débarquant avec mes certitudes et mes souvenirs obsolètes. “Ben voyons, je vais habiter dans la maison familial comme avant le temps de mes recherches ” Trois jours et quinze nuits plus tard, j’avais l’impression de découvrir une ville étrangère, avec ses nouveaux quartiers, ses immeubles futuristes et ses prix qui m’ont fait regretter le marché belge (et je ne pensais pas que ce serait possible un jour).

Après six mois de recherches, des dizaines de visites et d’innombrables cafés avec d’autres MRE revenus au bercail, je vous livre ma cartographie subjective mais honnête des quartiers casablancais. Attachez vos ceintures, certaines vérités risquent de bousculer vos souvenirs…

Anfa et Maârif : le Casablanca branché et ses réalités quotidiennes

Ah, Anfa ! Ce quartier dont on me parlait comme du Saint-Graal casablancais. “Tu habites à Anfa ? Mabrouk !” (félicitations). Anfa reste le quartier chic par excellence, mais avec plusieurs visages. Le Triangle d’Or (entre boulevards d’Anfa, Massira et Zerktouni ) concentre les villas cossues et les résidences haut de gamme. L’ambiance y est calme, presque trop parfois…

Le boulevard d’Anfa lui-même est devenu une artère commerciale intense avec ses cafés branchés, ses boutiques de luxe, et… son trafic infernal aux heures de pointe. J’ai chronométré un jour: 25 minutes pour parcourir 800 mètres à 18h30. “Zham bzzaf” (énormément de bouchons), comme on dit ici.

Ce que j’ai aimé : la sécurité (gardiens partout), la propreté relative, la proximité des bons restaurants (essayez : nom d’un resto ), et l’accessibilité à pied des commerces premium.

Ce qui m’a refroidi : les prix stratosphériques (comptez 12.000 à 20.000 DH pour un 3 pièces en location, et démarrez à 3,5 millions DH à l’achat), le manque de vie de quartier authentique, et cette sensation d’entre-soi.

À deux pas, Maârif offre un visage radicalement différent. Le quartier s’est densifié à l’extrême, avec d’anciens immeubles Art déco coincés entre des tours modernes. Maârif reste le quartier le plus vibrant, où l’on peut tout faire à pied. J’adore la rue Jean Jaurès et ses commerces éclectiques, l’ambiance de la place du 16 Novembre avec ses cafés où l’on peut prendre un verre tard (oui, ça existe à Casa!), et cette énergie constante. Les prix sont légèrement plus accessibles qu’à Anfa mais restent élevés: comptez 7.000 à 12.000 DH en location pour un appartement décent, et autour de 2,5 millions DH à l’achat pour du récent.

Californie et Ain Diab : entre mer et vie pratique

Ce quartier, autrefois considéré comme lointain, est devenu une valeur sûre pour les familles.

L’avantage principal ?

Des immeubles plus récents avec parkings (luxe absolu à Casablanca ) et souvent des espaces communs comme des jardins ou piscines.

La zone autour du Morocco Mall s’est complètement transformée. J’ai visité une résidence sur Boulevard Ghandi avec vue dégagée, piscine, salle de sport, le tout pour “seulement” 9.000 DH/mois pour un trois pièces neuf.

“C’est cher mais tu paies pour la tranquillité” m’a expliqué l’agent immobilier. Il avait raison: après 18h, le quartier devient étonnamment calme comparé au centre-ville.

Ce que j’ai adoré : les petites places arborées comme celle près de Burger King Boulevard Sidi Abderrahmane, les immeubles avec ascenseurs qui fonctionnent (!), les supermarchés bien achalandés (Carrefour Gourmet pour retrouver des produits français).

Les inconvénients ? ( pas de ouf a reformuler : )

Ain Diab, que tout le monde vantait pour sa proximité avec la corniche, m’a déçu. Certes, vivre à quelques minutes de l’océan est un privilège, mais quelle surprise de découvrir que cet avantage se paie au prix fort : les appartements avec vue mer atteignent facilement 15.000 DH en location.

Le quartier souffre de deux grands maux: un trafic paralysant le weekend quand tout Casablanca converge vers la plage, et une saisonnalité surprenante. À l’achat, Ain Diab reste l’un des quartiers les plus chers: comptez minimum 3 millions pour un appartement standard, et bien plus avec vue mer.

Les nouvelles zones comme Casa Anfa et Bouskoura Green City

Si vous avez quitté Casa il y a plus de cinq ans, ces noms ne vous disent peut-être rien. Pourtant, ils représentent l’avenir de la ville…

Casa Anfa, sur l’ancien aéroport d’Anfa, m’a littéralement bluffé. Ce quartier sorti de terre incarne la Casa du futur : larges avenues, espaces verts planifiés, architecture contemporaine.

Le prix ?

15.000 DH pour 120m² dans un ensemble avec piscine, salle de sport et espaces verts privés. Le projet inclut la nouvelle place financière Casablanca Finance City, des écoles internationales et des zones commerciales haut de gamme. Clairement, ce n’est pas encore un quartier où l’on “vit” véritablement – les commerces restent limités et l’ambiance un peu artificielle – mais dans cinq ans, ça sera probablement le nouveau quartier prisé.

Plus au sud, Bouskoura Green City et Ville Verte attirent de nombreuses familles en quête d’espace et de verdure.

L’idée de vivre dans une maison avec jardin à “seulement” 20-25 minutes du centre (hors heures de pointe, précision importante) séduit, surtout avec des prix au m² plus raisonnables.

J’y ai visité une villa mitoyenne de 180m² avec petit jardin pour 12.000 DH/mois, ce qui aurait été impensable dans Anfa. Le cadre est agréable, avec des allées piétonnes, quelques parcs et une vraie sensation d’espace.

Ces nouveaux quartiers révèlent un choix fondamental : préfère-t-on l’espace et le calme au prix de l’isolement relatif, ou la centralité malgré ses inconvénients?

Casa Marina et Dar Bouazza, extensions balnéaires en plein boom, méritent aussi qu’on s’y attarde.

De plus en plus de MRE y investissent pour avoir un pied à terre avec vue mer.

La révélation des prix réels et de l’accessibilité des services

Parlons franchement des prix, parce que c’est le sujet qui m’a le plus choqué à mon retour. Le marché immobilier casablancais a connu une inflation délirante, déconnectée des salaires locaux.

Pour une famille de quatre personnes cherchant un logement décent (3 chambres), voici la réalité des prix mensuels en location:

  • Centre (Anfa, Gauthier, Racine): 10.000-15.000 DH
  • Première couronne (CIL, Californie, Palmier): 8.000-12.000 DH
  • Deuxième couronne (Oasis, Beauséjour): 7.000-10.000 DH
  • Périphérie (Bouskoura, Dar Bouazza): 6.000-10.000 DH pour plus grand

À l’achat, le mètre carré oscille entre:

  • Quartiers premium: 22.000-30.000 DH/m²
  • Quartiers intermédiaires: 15.000-20.000 DH/m²
  • Périphérie: 10.000-15.000 DH/m²

Ces prix m’ont fait l’effet d’une douche froide.

Au-delà du logement, l’accessibilité des services varie énormément selon les quartiers. J’ai créé mon petit système d’évaluation sur 5 critères essentiels:

  1. Écoles de qualité à proximité: Gauthier/Anfa (5/5), Maârif (4/5), Californie (4/5), Bouskoura (3/5)
  2. Commerces alimentaires: Maârif (5/5), Racine (4/5), Ain Diab (3/5), Casa Anfa (2/5)
  3. Services médicaux: Anfa/Racine (5/5), Californie (4/5), Bouskoura (2/5)
  4. Embouteillages: Casa Anfa (4/5), Bouskoura (3/5), Californie (2/5), Maârif/Centre (1/5)
  5. Espaces verts: Bouskoura (5/5), Ain Diab (4/5), Casa Anfa (3/5), Centre-ville (1/5)

Alors, quel quartier choisir quand on revient ?

Après cette exploration exhaustive, voici mes recommandations selon différents profils:

Pour les familles avec enfants:

  • Budget confortable: Casa Anfa ou Californie pour le meilleur équilibre sécurité/modernité/écoles
  • Budget moyen: Oasis ou Beauséjour, plus abordables mais bien connectés
  • Recherche d’espace: Bouskoura ou Dar Bouazza, en acceptant les contraintes de transport

Pour les célibataires ou couples sans enfants:

  • Lifestyle urbain: Maârif ou Gauthier pour l’animation et la vie nocturne
  • Ambiance plus posée: Racine ou CIL, centraux mais plus calmes
  • Près de la mer: Ain Diab, malgré son côté saisonnier

Pour ceux qui travaillent depuis chez eux :
Les nouvelles résidences de Dar Bouazza ou Tamaris offrent un excellent rapport qualité-prix et un cadre de vie agréable si vous n’avez pas besoin d’aller quotidiennement au centre-ville.

Mon conseil ultime? Ne vous fiez pas uniquement aux souvenirs ou aux recommandations. Prenez le temps de vivre temporairement dans différents quartiers avant de vous décider. J’ai loué via Airbnb dans trois zones différentes avant de faire mon choix final, et cette expérience a été déterminante.

Casablanca a changé, s’est étendue, s’est réinventée. Certains quartiers se sont embourgeoisés, d’autres ont perdu de leur superbe. Mais une chose est sûre: quelle que soit votre personnalité, il existe un coin de Casablanca qui vous correspondra. Il suffit de prendre le temps de le découvrir, ” b’shwiya b’shwiya” (petit à petit), comme on dit ici.

Et vous, dans quel quartier casablancais vous êtes-vous installés après votre retour ? Partagez votre expérience en commentaire.

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Co-fondatrice The Casa Society. Experte en communication. Marocaine résidente à l'étranger.

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